Le mot de l’éditeur

par Maël Nonet, gérant des éditions Rouquemoute

L’objectif des éditions Rouquemoute est d’éditer de beaux objets imprimés et d’accompagner avec soin chaque projet éditorial en collaboration étroite avec les auteurs et les partenaires, imprimeurs et diffuseurs inclus.

 

Pour expliquer les origines de la création de cette maison d’édition, il faut remonter au début des années 1990. Au sortir de l’école primaire, j’empruntais les numéros de Psikopat, de Charlie Hebdo et de L’Écho des Savanes à mon grand frère. Ou plus exactement je les volais, les lisais en cachette, puis les remettais à l’exacte même place dans le placard de sa chambre.

Parfois, je parlais d’hémorroïdes à table, sans trop savoir ce dont il s’agissait. J’avais lu ce mot dans la bulle d’un dessin ou d’une planche, sans forcément tout comprendre mais le dessin et ce que mes yeux d’enfant comprenaient du scénario me suffisaient à déclencher le rire. C’est ainsi que je découvris l’humour dès le plus jeune âge, via un apprentissage solitaire et alimenté par ces lectures régulières. Avec le goût sucré de la transgression puisque toutes ces lectures clandestines avaient, dans le nez d’un tout jeune ado, un certain parfum de l’interdit.

De là est né un profond amour pour le papier qui fait rire. Par la suite, à une époque où l’on pouvait acheter Siné Hebdo en kiosque, un incident de vie assez costaud a achevé de me convaincre au sujet de sa puissance intrinsèque : le rire est une arme formidable, capable de faire supporter l’insupportable. J’étais émerveillé par ce pouvoir, et admiratif de ceux qui le pratiquaient. Car faire rire, c’est le métier le plus difficile au monde. C’est une prise de risque permanente, régie par la sanction tragique et immédiate du gros bide. Beaucoup de candidats, mais peu d’élus.

L’édition m’a toujours fait de l’œil. J’ai bourlingué dans la presse associative, expérimenté des choses, mis les mains dans le cambouis et assisté à moult accouchements dans des imprimeries. Le bac en poche, nous avions créé Europa avec une sacrée bande de copains à la fac. C’en était même devenu le plus gros journal étudiant de France. Avec à l’intérieur, des dessins parfois drôles, souvent amateurs. On essayait de faire un peu de presse satirique avec les moyens du bord, sans trop froisser ceux qui nous filaient des subventions.

Plus tard, au début des années 2010, je me suis lancé dans la création de deux autres journaux associatifs : Zélium puis l’éphémère Z Minus, estampillés satiriques. Une aventure de cinq années en tant que directeur de la publication, enrichie de solides amitiés avec de nombreux dessinateurs. D’événements et d’exploits aussi, comme l’obtention du Prix Schlingo 2015 au Festival off d’Angoulême pour Ça sent mauvais – recueil de strips de Berth – dont la remise du trophée par Benoît Delépine a été immortalisée en vidéo.

C’est dans Psikopat que je découvris Hiroshiman à la fin du siècle dernier. C’est assurément mon personnage débile numéro un. Il m’a accompagné de gamin à aujourd’hui. Il explose toute la concurrence dans le rayon des anti super héros. Je le confesse, je fais partie des lecteurs qui vouent un culte au trait et à l’univers de Rifo. Ce sont d’ailleurs ses planches que je dévorais jadis en premier dans mes lectures clandestines.

 

Le fait que le volume 1 de L’intégrale d’Hiroshiman soit le premier livre historiquement édité par les éditions Rouquemoute n'est pas anodin. C’est un choix éditorial revendiqué, qui donne le ton au lancement d’une maison d’édition.